Lorsque l’on sélectionne les écoles supérieures de commerce où l’on souhaite candidater puis celle dans laquelle on va étudier, la place de l’école dans les classements « officiels » est souvent un critère décisif. Mais peut-on réellement se fier aux classements des magazines dits « sérieux » ? Preuve en est, en décembre 2019 le magazine de L’Etudiant publiait son classement 2020 des écoles de commerce, celui-ci a donc été édité en version papier et repris par l’Express. Seulement, au bout de quelques semaines, il disparaissait mystérieusement sans explication. En cause, plusieurs écoles se seraient plaintes des résultats et auraient relevé des erreurs. Un mois plus tard, après quelques entrevues entre le magazine et certaines écoles, le classement revient discrètement sur le site avec des inversions dans les rangs des écoles classées !! Peut être y aura t-il une 3e mouture de ce classement (si les nouvelles écoles lésées se plaignent à leur tour…), qui sait ? Ceci nous amène une nouvelle fois à nous interroger sur la pertinence des classements, servent-ils à faire plaisir aux directions des écoles ou à aider les étudiants dans leur choix ?
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Quelle légitimité dans le choix des critères de classement ?
Les classements n’ont rien d’officiel, il n’existe pas de vrai ou de faux classement… ils ne sont que le reflet de l’opinion de leurs auteurs. L’intérêt des magazines est de proposer un classement différent des concurrents pour justifier leur propre classement (en jouant sur les critères mesurés et la pondération attribuée aux critères), mais sans toutefois bouleverser les grandes tendances pour rester crédible. Ainsi chaque magazine décide – de son propre chef – les critères qui détermineront ce qui fait qu’une école est bonne ou non ! Mais quelle est leur légitimité à le faire, comment peuvent-ils savoir qu’ils utilisent les bons critères, qu’ils n’en ont pas oublié ou à l’inverse qu’ils n’ont pas ajouté des critères non pertinents qui viennent polluer les résultats ? On assiste à une accumulation de critères purement quantitatifs (dont certains sont dénués de sens) : nombre d’étudiants, de professeurs, de professeurs étrangers, de publications dans les revues de recherche, d’étudiants envoyés en séjours internationaux, de campus etc.
Certaines informations utilisées pour construire les classements ne sont pas vérifiables
Une grande partie des informations collectées pour réaliser les classements sont totalement biaisées. Comme le précise Patrick Fauconnier, fondateur du magazine Challenges « c’est la foire aux mensonges sur tout : les salaires des diplômés, le nombre d’enseignants, des départs à l’étranger… Les seuls chiffres dont je suis sûr, ce sont ceux des concours, notamment grâce aux statistiques SIGEM (dont le but est de répartir les candidats entre les écoles) ». Hé oui forcément, puisque juges et parties, les diplômés savent très bien qu’en répondant plutôt favorablement aux sondages des magazines, leur école et leur diplôme en profiteront, ce qui incite bien évidemment les répondants à orienter positivement leurs réponses (sur leur satisfaction, leur niveau de salaire etc.), c’est humain. Sans compter l’influence que certaines écoles développent sur leurs diplômés.
La prime à la taille au détriment de l’étudiant
Les classements et accréditations accentuent l’articulation « standardisation-conformisme-mimétisme » et rend toute différenciation difficile pour les écoles, cela malgré leur stratégie de marque. En outre, les classements et l’accumulation de critères purement quantitatifs favorisent les grosses écoles en taille : plus l’école est grosse et plus elle a de chance d’obtenir plus de points, car il n’existe aucune relativité dans les chiffres par rapport à la taille des écoles. Pourtant certaines plus « petites » écoles en taille forment de plus « grands » managers, grâce à un accompagnement plus soigné et personnalisé des étudiants. Pour faire le parallèle, si on classait les restaurants comme on classe les écoles, les casernes militaires seraient en tête de liste et les petits restaurants étoilés tomberaient en fin de classement ! Les choix des étudiants seraient sensiblement différents si, au lieu de classer les écoles sur la base du nombre de publications dans les revues scientifiques, les classements prenaient en compte l’identité des écoles et l’impact de leurs diplômés sur la vie économique, sociale et environnementale.
Et pourtant… ils sont utiles ces classements !
Même s’ils ont de nombreux inconvénients, les classements permettent malgré tout aux écoles de se rendre visible en France et à l’international, ils créent aussi une « barrière » naturelle à l’entrée face à de nouveaux acteurs. Alors sans renoncer aux classements, il conviendrait de leur redonner leur vraie fonction, peut-être en permettant aux étudiants de comparer les écoles (leurs forces, leurs différences et leurs spécialités) sans nécessairement les classer et les mettre en compétition les unes avec les autres… ou alors en partageant des critères validés officiellement entre les Grandes Ecoles.