Alors que de nombreux établissements d’enseignement supérieur ont pris des décisions radicales quant à l’utilisation de ChatGPT et autres outils d’intelligence artificielle générative, Audencia a choisi de l’intégrer pleinement à son programme. Nous avons donc rencontré Tamim Elbasha, professeur et Directeur du Learning & Quality Development d’Audencia pour nous parler de l’utilisation des IAG au sein de l’école nantaise !
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Bonjour Tamim, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?
Aujourd’hui Directeur du Learning & Quality Development à Audencia, une partie de mon rôle couvre l’innovation pédagogique, menée avec et par une équipe d‘ingénieures pédagogiques. J’ai obtenu mon doctorat au Royaume-Uni. J’ai été directeur du programme MBA pendant quelques années à Audencia avant d’occuper mon poste actuel.
J’ai toujours cru au rôle de la technologie dans l’apprentissage et l’enseignement, en particulier à la manière dont elle peut améliorer nos performances et nos compétences. En revanche, je suis toujours prudent quant à l’utilisation de la technologie pour le plaisir ou pour l’image : les outils doivent aider à atteindre des objectifs pédagogiques et académiques précis.
Tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’IA générative ?
Il s’agit d’un terme utilisé pour décrire des algorithmes Machine Learning qui peuvent être utilisés pour produire du contenu, tel que de la vidéo, du texte, des images et autres. Ces algorithmes sont entraînés à partir de grands ensembles de données afin d’être en mesure de produire du contenu. Nous avons récemment assisté à l’essor de ces outils grâce aux développements techniques réalisés au début des années 2010, qui permettent à ces modèles de produire un contenu de haute qualité et rapidement.
Audencia vient officiellement d’autoriser l’utilisation des outils tels que ChatGPT pour les évaluations des étudiants. Pourquoi cette décision ?
Ces outils, déjà utilisés par une part considérable d’étudiants aujourd’hui, feront partie intégrante de l’avenir : les apprenants actuels disposeront aussi d’outils de IAG pour accomplir leurs tâches professionnelles. C’est pourquoi nos étudiants doivent acquérir les compétences nécessaires à l’utilisation de ces outils mais aussi être sensibilisés et conscients des risques inhérents. Deuxièmement, si nous considérons les IAG comme des outils permettant d’améliorer les performances humaines, il n’y a aucune raison de s’opposer à leur utilisation. Enfin, nos professeurs s’engagent continuellement à mettre à jour leurs enseignements pour intégrer les outils et pratiques innovants afin de rester en phase avec les besoins de l’entreprise.
Que peut apporter l’utilisation des IA génératives aux étudiants ?
Les apprenants seront en mesure d’accomplir plus rapidement et plus efficacement les tâches qui requièrent des compétences cognitives moindres : la calculatrice effectue la tâche de base du calcul pour permettre à l’humain de faire des inférences et des conclusions.
Comment prévoyez-vous de former les étudiants d’Audencia à ces nouveaux outils ?
Tout d’abord, nous avons intégré un cours sur l’IA dans notre cursus de base en partenariat avec des entreprises comme Microsoft. Lorsqu’il s’agit d’utiliser certains outils d’IAG : c’est un domaine en évolution rapide où nous nous appuyons sur des expertises externes. Nous avons identifié certains modules courts en ligne que nous recommandons aux étudiants. Nous garderons un œil sur l’évolution et demanderons aussi aux étudiants de nous recommander d’autres sources de formation au fur et à mesure.
Comment voyez-vous l’avenir des IA au sein de l’enseignement supérieur ?
L’utilisation actuelle de l’IA est axée sur la création d’une expérience d’apprentissage unique pour les apprenants, telle que des tableaux de bord personnalisés, des exercices ou des recommandations.
Je pense que nous verrons bientôt davantage d’outils axés sur le support aux enseignants : l’IAG est déjà utilisée pour produire des contenus bruts ou peaufiner des diapositives, et cette tendance devrait se poursuivre. Nous avons vu des assistants d’enseignement (chatbot teaching assistant) basés sur l’IA.
Il existe également des outils pour aider les apprenants à surmonter certains problèmes d’apprentissage, ou pour rendre le matériel pédagogique accessible au plus large public, et j’espère que cela deviendra une partie intégrante de tous les systèmes de gestion de l’apprentissage : les LMS (Learning Management Systems) et les LXP (Learning Experience Platforms).
Comment les IA génératives vont-elles transformer le monde du travail selon vous ?
Je pense que nous allons nous concentrer sur l’automatisation des tâches cognitives humaines à l’aide de l’IA. En conséquence, les compétences techniques auront de moins en moins de prédominance et les compétences générales en matière de leadership seront les compétences les plus prisées.
Un mot pour la fin ?
Je suis un fervent partisan des avancées technologiques au service des femmes et des hommes. Les IAG nous offrent une grande opportunité de le faire et nous devons saisir ces outils pour faire ce que nous voulons qu’ils fassent. J’ai cependant deux points de vigilance principaux.
Tout d’abord, ces algorithmes ont une limite importante basée sur les données utilisées pour les entraîner – nous avons tous entendu parler de l’incidence d’AIG produisant des résultats racistes, ou de stéréotypes sexistes, ou agissant d’une manière qui réplique les modèles biaisés trouvés dans les données. Face à cela, nous devons apprendre et enseigner à nos apprenants à utiliser des compétences de pensée critique en permanence.
Deuxièmement, nous vivons à l’ère de l’IA spécialisée, c’est-à-dire que nous entraînons l’algorithme dans un domaine particulier (amélioration de l’apprentissage, par exemple). Au cours de la prochaine décennie, je pense que l’IA générique progressera fortement en créant un nouveau type d’intelligence qui imitera les capacités humaines à travailler et à penser dans différents domaines de connaissance. Nous devons tous participer au débat sur les limites éthiques à ne pas franchir. Et nous ne devons pas répéter les erreurs du passé où des entreprises offraient leurs services « gratuitement » après avoir signé la longue liste de conditions d’utilisation qui leur permettent d’accéder à nos données sans limites.
Le fond du sujet pour l’enseignement supérieur, c’est que l’IAG nous invite à réfléchir au rôle et aux compétences des professeurs dans les années à venir.
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